Anouar Brahem : Oud
Klaus Gesing : clarinette basse
Björn Meyer : basse
Khaled Yassine : darbouka, bendir
The Lover Of Beirut
Dance With Waves
Stopover At Djibouti
The Astounding Eyes Of Rita
Al Birwa
Galilee Mon Amour
Waking State
For No Apparent Reason
"J’ai soudain eu l’impression qu’il y avait quelque chose de nouveau, quelque chose qui s’ouvrait vers des espaces encore inexplorés". Le répertoire de The Astounding Eyes of Rita s’inspire de la tradition arabe et s’appuie fortement sur la mélodie. On remarquera l’utilisation de certaines couleurs sonores entendues sur le projet Thimar, des dialogues instrumentaux qui se croisent et se décroisent, et une rythmique vibrante.
Le groupe a été formé avec la participation du producteur Manfred Eicher. Le clarinettiste Klaus Gesing, un improvisateur au phrasé étonnement fluide, a une affinité naturelle pour l’univers sonore de Brahem. Le timbre de la basse électrique de Björn Meyer se mêle sans efforts à celui de l’oud et lui procure une fondation subtile et souple. Enfin, le jeune libanais Khaled Yassine apporte au darbouka une pulsation vitale à cette musique de chambre transculturelle dans laquelle rigueur et liberté, passé et présent se répondent mutuellement.
Contexte
C’est un tout nouveau groupe que nous présente Anouar Brahem à l’occasion de la parution de “The Astounding Eyes of Rita” - sorte de danse sinueuse et déliée faite de mélodies capiteuses mais aussi de sonorités sombres et de textures telluriques nées de l’alliage inédit de l’oud avec la clarinette basse, la basse et les percussions… Là où Anouar dans ses deux précédents disques (“Le voyage de Sahar” (2005) et “Le pas de chat noir” (2001)) s’était placé au centre d’un trio ancrant résolument son discours dans une esthétique relevant d’une sorte de nouvelle musique de chambre, ce nouvel album vient en quelque sorte boucler la boucle et comme reprendre les choses à leur commencement. Car s’il s’agit toujours bien là de musique moderne, on y sent de nouveau la présence forte de la tradition et sur bien des plans “The Astounding Eyes of Rita” évoque dans ses tonalités quelques disques antérieurs d’Anouar Brahem comme “Barzakh” et “Conte de l’incroyable amour”. Voilà longtemps maintenant que les traditions occidentales et orientales se mêlent étroitement dans la musique de Brahem - « J’ai besoin des deux mondes » reconnaît-il. Mais chaque nouveau projet vient en quelque sorte redéfinir l’équilibre entre ces deux grandes zones d’influence culturelle.
Né à Halfaouine en Tunisie en 1957, Brahem est considéré comme le spécialiste de l’oud le plus créatif et innovant de son pays. Disciple du grand maître de l’instrument Ali Sriti, Brahem s’est d’abord totalement pénétré des arcanes et des subtilités de la musique classique arabe, et c’est fort de ce savoir, en tant que musicien définitivement contemporain mais héritier d’une tradition ancestrale, qu’il s’est lancé par la suite dans une exploration résolue des musiques du monde.
« Quand je compose de la musique », nous explique-t-il, « je me concentre essentiellement sur la dimension mélodique. Les idées d’instrumentation viennent par la suite. » Il est en ce sens significatif de noter que contrairement au “Pas de chat noir” où la musique avait été conçue et mise en forme à partir du piano, le répertoire de “Rita” a été composé à l’oud. Cette nouvelle musique ne cesse de chercher son équilibre entre diverses disciplines, comme il se doit dans une formation réunissant des musiciens venus de Tunisie, d’Allemagne, de Suède et du Liban. « Pendant le processus de maturation de ce nouveau projet, j’ai pensé un moment avoir recours à des spécialistes de musique traditionnelle, me recentrer même sur une instrumentation plus spécifiquement moyen-orientale, mais j’ai pris conscience qu’il y allait avoir également des pièces d’humeur tout à fait différente dans ce disque. J’ai compris par exemple que j’allais avoir besoin du darbouka (cet instrument percussif spécifique de la tradition arabe), mais que j’avais également en tête d’utiliser la basse par exemple. J’ai pris mon temps pour trouver la combinaison idéale entre l’instrumentation qui progressivement s’imposait pour ce nouveau répertoire et des personnalités qui s’avéreraient capables de lui donner vie. Il m’est très facile de dénicher des musiciens traditionnels fantastiques dans ma région, mais j’ai souvent du mal en revanche à trouver ce qui appartient en propre aux musiciens de jazz européens — cette ouverture d’esprit dans l’approche de l’improvisation, cette capacité à user de sa liberté… »
Avec l’aide du producteur Manfred Eicher, Brahem a alors eu l’idée de réunir pour ce projet le clarinettiste basse allemand Klaus Gesing et le bassiste suédois Björn Meyer - deux musiciens que l’on a pu entendre récemment sur ECM dans les groupes respectifs de Norma Winstone et Nik Bärtsch. « Manfred savait depuis l’enregistrement du disque “Thimar” (1997) et mon association avec John Surman que j’appréciais particulièrement l’alliage sonore de l’oud avec la clarinette basse : ces deux instruments semblent juste être faits l’un pour l’autre. Sur l’album de Norma Winstone (“Distances”) j’ai entendu dans le jeu de Klaus que nous pourrions aisément trouver des façons de travailler ensemble. Manfred a aussitôt organisé des répétitions à Udine avec juste Klaus et moi. On a tout de suite compris que potentiellement nous avions tout entre les mains. Mais ce n’est qu’au moment des séances préparant l’enregistrement du disque que nous nous sommes vraiment mis à fonctionner comme un véritable groupe - jusqu’alors je n’avais fait que jouer séparément avec chacun des musiciens. »
Björn Meyer et Klaus Gesing partagent avec Anouar Brahem une curiosité sans limites pour une quantité d’expressions musicales différentes. De formation classique, Gesing s’est énormément impliqué dans le champ des musiques folk d’Europe de l’Est ainsi que dans le jazz, tandis que Meyer nourri à la musique cubaine, a longtemps joué du flamenco avant de finalement s’engager résolument dans la musique folk suédoise. Il joue par ailleurs dans les groupes influencés par la tradition persane de la harpiste Asita Hamidi et sa basse tient souvent le rôle de la voix lyrique autour de quoi s’organisent les séquences cellulaires et pulsatives de la musique du groupe Ronin de Nik Bärtsch (“Stoa”, “Holon”).
C’est la propre belle-sœur de Brahem, la chorégraphe Nawel Skandrani, qui lui a présenté le quatrième membre du groupe, le percussionniste libanais Khaled Yassine, L’expérience de Khaled avec le monde de la danse s’entend dans son jeu privilégiant des pulsations extrêmement fines et déliées. « Khaled est un musicien vraiment intéressant. Il s’ancre profondément dans la tradition mais reste constamment en éveil. Le fait de jouer dans des contextes très différents selon ses collaborations lui permet de rester très à l’écoute de ce qui se fait de nouveau. On sent vraiment qu’une nouvelle génération de musiciens est en train d’émerger dans des pays comme le Liban ». Pour Anouar il ne fait aucun doute que ces musiciens ont en commun une ouverture d’esprit bien plus grande que leurs aînés.
Après les séances d’enregistrement extrêmement fructueuses effectuées au studio Artesuono d’Udine, Anouar Brahem et son groupe ont immédiatement pris le chemin de la Tunisie pour se produire à Carthage devant un public enthousiaste.
Le titre étrange de l’album fait référence à l’œuvre poétique de l’écrivain palestinien Mahmoud Darwish (1941-2008), à qui ce disque est dédié. Figure éminemment influente dans la sphère culturelle arabe, Darwish est l’auteur d’une œuvre gigantesque riche d’une vingtaine de volumes de poésie qu’il avait l’habitude de lire en public devant des foules immenses. A sa mort en 2008, l’autorité palestinienne décréta trois jours de deuil national ainsi que des funérailles officielles.
Réactions de la presse
Mélancolique et méditative, mais aussi dansante et ivre de légèreté, cette musique se savoure comme un privilège, un lâcher-prise bienfaisant.
En quatuor, le joueur de oud Anouar Brahem défie les genres avec une musique modale libre comme l’air.
Albums as perfect as this appear rarely. Tunisian oud maestro Brahem has been one of ECM’s most-revered artists for years, pioneering a superior kind of east-west fusion. But this quartet recording beats anything I’ve heard from him yet. Dedicated to the late Palestinian poet Mahmoud Darwish, the album’s eight originals trace a continuous arabesque, wind and strings intertwining against a trance-like rhythmic pulse.
The continuity with previous Brahem work is the lightness of touch with which the pieces are executed, the largely Middle Eastern modal structures being a basis for spare, condensed improvisations, and the charm of much of the music comes from the extremely careful placement of the solo flourish.
Cultures caress rather than clash here, thanks mostly to the centralizing force of Brahem’s fluid and sensitive touch on his instrument, his improvisational fluency and his meditative yet sturdy compositions. […] Brahem’s continuing saga makes for one of the more interesting, rewarding and successful experiments on the dangerous and successful experiments on the dangerous turf where so-called “world music” and jazz meet.
Although Brahem’s music is grounded in the traditions that have grown up around the oud over centuries […], his hybridization of those traditions with the ways of European and American jazz have made his extremely individual canon pointedly modern, and very much an example of a genuine world music. Brahem and Gesing’s beguiling interplay – a mystical poetry […] – could not exist without rhythmic drive, supplied here […] by Swedish bassist Björn Meyer and Lebanes percussionist Khaled Yassine. […] Both he and Meyer drive the lead instrumentalists while also gathering a powerful energy between themselves. Throughout these eight tracks, it’s clear that not only do the clarinet and oud belong together, but the ideas that flow from both players mesh into an emotional and intellectual whole as they thrust and parry in turn, bending toward and away from each other.
Brahem Musik braucht Zeit. Sie ist eine Pflanze, die langsam wächst, und er ist ihr Gärtner, der sie zum Blühen bringt. Eine entschleunigte Musik, die zum Träumen einlädt.
Here he brings together the unusual ensemble of bass clarinet, bass guitar and Middle Eastern hand percussion to complement his oud playing. Their sparse, low registers leave space for his understated melodies to shine through. […] The Astounding Eyes of Rita shows a confidence and clarity of purpose that sets Anouar Brahem apart from all others. It is dedicated to the memory of the Palestinian poet, Mahmoud Darwish: if only we could be all assured of such a beautiful epitaph.
Mit Bassklarinettist Klaus Gesing, Bassist Björn Meyer und Perkussionist Khaled Yassine entfaltet er eine Welt voller Geheimnisse, so verschlungen und undurchdringlich wie eine morgenländische Medina oder eine mittelalterliche Arabeske. Doch […] trotzdem ist diese Musik leicht und transparent. Brahem und seinem ungewöhnlichen Team gelingt es, gerade aus der Vereinbarkeit des Unvereinbaren lyrisches Kapital zu schlagen.
Distinctions
Echo Jazz Award 2010, "Meilleur Musicien international de l'année – Autre Instrument" (Allemagne)
La sélection 2009 du Monde / Les cinq meilleurs disques de l'année, "Le Monde" (France)
ƒƒƒ, "Télérama" (France) Les cinq meilleurs disques de l'année 2009, "Le Devoir" (Canada)
Top Jazz CDs de 2009, "Seattle Times" (États-Unis)
Global Hit / Best Global Music 2009, "PRI's The World" (USA / Royaume-Uni)
Le meilleur de l'année 2009, "Politics and Prose" (États-Unis)
Picks 2009, "Jazztimes" (États-Unis) Top of the World, "Songlines" (Royaume-Uni)
Enregistrement du mois, "Stereophile" (Allemagne)
Les 21 Albums Incontournables de ECM "The New York Times" (États-Unis)