Anouar Brahem : oud
John Surman : clarinette basse, saxophone soprano
Dave Holland : contrebasse
Badhra
Kashf
Houdouth
Talwin
Waqt
Uns
Al Hizam Al Dhahbi
Qurb
Mazad
Kernow
Hulmu Rabia
Projet "transculturel" remarquablement attrayant, "Thimar" est une initiative du virtuose du oud Anouar Brahem, qui innove tout en restant un traditionaliste au sens le plus profond – on le crédite de la "restauration de la souveraineté de l'oud dans la musique tunisienne". Ici, aucune fusion facile des traditions, mais plutôt le rassemblement de trois musiciens de caractère très distinct, et qui ne consentent aucun sacrifice d'individualité à leur quête d'un terrain commun. Les références de "Thimar" sont la musique classique arabe et le jazz, mais la rencontre entre Anouar Brahem, John Surman et Dave Holland est d'abord celle de trois improvisateurs pour lesquels la définition des genres n'a pas de limite.
Contexte
Pour Wolfgang Sandner du Frankfurter AlIgemeine Magazin, Anouar Brahem "est allé bien plus loin que beaucoup d'autres musiciens de jazz dans la recherche dynamique du nouveau." Ce point de vue ne peut être contesté, et de plus ce joueur d'oud a le rare avantage d'être à la fois un musicien d'avant garde et un traditionaliste au sens le plus profond du terme. Dans son pays, la Tunisie, on considère qu'il a "restauré la souveraineté de l'oud", en lui faisant reprendre sa place d'instrument majeur de la musique classique arabe alors qu'il n'était plus cantonné qu'aux accompagnements. Parallèlement, il a été salué, en Tunisie comme ailleurs, comme un innovateur, qui a lancé de très nombreux projets transculturels, dont le passionnant Thimar est le dernier. C'est précisément parce qu'il est tellement imprégné de sa propre culture qu'il peut se risquer dans ce genre d'entreprise. Thimar ("fruits" en arabe) n'est pas une "fusion" de traditions, mais plutôt une réunion de trois improvisateurs très différents, qui ne sacrifient en rien leurs particularités dans la recherche du terrain commun. La musique classique arabe et le jazz sont ici des références, mais Anouar Brahem, John Surman et Dave Holland se rencontrent pour improviser en faisant fi des étiquettes.
Brahem a longtemps été l'élève du maître de l'oud Ali Sriti, à Tunis, avant de partir à la recherche des correspondances avec d'autres cultures, surtout lors de ses années parisiennes (1981- 1985). Il n'est cependant apparu pour la première fois que sur le trio purement tunisien Barzakh (ECM 1432), en 1991. Ce disque a été suivi d'une collaboration avec le saxophoniste norvégien Jan Garbarek et le regretté maître des tablas pakistanais Shaukat Hussain pour Madar (ECM 1515) et d'une réinterprétation, par des musiciens de plusieurs pays, de compositions de Brahem pour un film tunisien. Ses partenaires pour Khomsa étaient le violoniste tunisien Bechir Selmi, le contrebassiste suédois Palle Danielsson, le batteur norvégien John Christensen et trois Français : l'accordéoniste Richard Galliano, le pianiste François Couturier et le saxophoniste Jean-Marc Larché. Khomsa est un des grands disques de l'année, écrivait avec enthousiasme le journal anglais The Guardian. Brahem est au premier rang du jazz parce qu'il va bien au-delà..."
Bien que Dave Holland et John Surman aient apporté leurs compositions à Thimar, la plupart des œuvres sont sorties de la plume de Brahem. Deux morceaux avaient à l'origine été écrits pour l'Ensemble musical de Tunis, deux autres pour des pièces de théâtre tunisiennes, et une dernière était une esquisse pour l'ensemble Khomsa. Mais la plupart des compositions ont été conçues pour Thimar. Et leur interprétation a représenté un défi considérable, même pour les vétérans très expérimentés que sont Surman et Holland.
Dave Holland : "Je ne savais pas à quoi m'attendre. Anouar nous a donné une pile de partitions la veille de la séance d'enregistrement. Il n'y avait pas de barres de mesure, et bien sûr pas d'accords, puisque ce n'est pas une référence dans cette musique. Mais il y avait ces mélodies complexes, où une phrase avait peut-être sept rythmes, et la suivante neuf. Quand on s'est mis à jouer, John et moi, on trébuchait littéralement l'un sur l'autre. Mais on a persévéré, crayonné sur les partitions, discuté de la bonne manière d'approcher ces structures... à l'enregistrement, les choses se sont mises en place d'elles-mêmes, comme cela arrive souvent. On est galvanisés par la situation et on se dépasse. Ce n'est pas simple du tout de rassembler ces genres musicaux, mais je pense qu'on est arrivés à un résultat vraiment valable." C'est aussi une musique qui semble aussi naturelle que la respiration, au contraire de nombreux mélanges jazz/world music bancals qui entachent les discographies.
Pour ce qui est de "rassembler les genres", il est intéressant de noter que de récentes études musicologiques commencent à envisager que le Proche-Orient serait à l'origine du jazz, peut-être avant l'Afrique de l'ouest. Certains spécialistes émettent l'hypothèse que la composante africaine du jazz serait elle-même une synthèse, déjà orientée par des siècles de contacts avec la culture islamique. Si tel est le cas, cela transformerait la quête de Brahem d'horizons musicaux plus larges en une forme de réintégration, de reconnaissance que quelque chose dans le jazz vient déjà du plus profond de sa propre musique.
Comme dans Angel Song de Kenny Wheeler, la musique sans batteur de Thimar fait peser sur Dave Holland la responsabilité de l'élément rythmique. Cette contrainte lui a fait donner le meilleur de lui-même. "Avec John et Anouar, bien que mon rôle principal ait été d'accompagner et de donner le rythme, j'avais l'impression que c'était eux qui me soutenaient par leur capacité à maintenir un sens du rythme par eux-mêmes..."
Le cadre musical de Thimar est inhabituel pour Holland et Surman, mais ils se sont toujours intéressés à beaucoup de choses en dehors du jazz. Peu savent que, dans les années soixante-dix, Surman, qui est aujourd'hui considéré comme le musicien anglais par excellence, a étudié la musique indienne de manière assez poussée et que, par conséquent, le fait d'improviser à partir d'une base modale ne lui est absolument pas étranger. Pourtant, même s'il est prêt à contribuer à la musique de Thimar et à travailler dans les structures déterminées par Anouar, il définit aussi très clairement son propre espace. Les implications coltraniennes du soprano auraient pu conduire d'autres saxophonistes à patauger dans un simili orientalisme, alors que le sens de la mélodie de Surman découle sciemment de ses origines. Fait révélateur, le morceau qu'il a composé pour ce disque s'appelle "Kernow", c'est à dire Cornouailles en vieil anglais.
La capacité de Dave Holland de s'adapter si vite aux exigences rythmiques de la musique arabe est sans doute en partie due à ses propres expériences avec les mesures irrégulières, qui sont une des marques distinctives de son écriture depuis plus de trente ans. Il suggère d'ailleurs que sa curiosité pour les tempi hors-norme vient peut-être de sa passion de jeunesse pour Bartok (dont la dette envers la musique arabe - dans la Suite pour piano, le Quatuor à cordes n02 et d'autres - est de notoriété publique...) On pourrait également dire que Holland a un lien philosophique avec le monde de Brahem. Déjà en 1972, il avait signalé son intérêt pour la littérature soufi en donnant à son premier album en leader, Conference of the Birds, le nom du poème épique du XIIIe siècle de Fariduddin Attar. Quant à Brahem, il manifeste son goût pour les textes soufis par le dernier morceau, "Hulmu Rabia" ("Le rêve de Rabia"), qui s'inspire des vers visionnaires de Rabia de Basra (714-801 apr. J.-C.), la première femme mystique de l'Islam.
Holland a été convié à cet enregistrement après que le producteur Manfred Eicher a fait entendre Angel Song à Brahem, qui raconte: "J'ai écouté cet album en suivant la basse, qui est comme le battement de cœur de la musique. Et le son de Dave est tellement beau. Puissant, mais harmonieux, pas du tout agressif ni dur.
"Le joueur d'oud a fait connaissance avec la musique de John Surman au moment de la sortie de son album solo Road to St Ives en 1990. "Ce sens extraordinaire de la mélodie qu'a John... j'ai adoré. Ça m'a profondément touché. Depuis, j'ai écouté tout ce qu'il a fait." En 1994, Surman et Brahem ont fait une tournée commune au Japon, où ils donnaient des concerts séparés à l'occasion des vingt-cinq ans d'ECM. "Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes bien entendus et nous avons parlé de faire un disque ensemble, un jour. La façon dont il joue de tous ses instruments est exceptionnelle, mais j'aime tout particulièrement le mélange de la clarinette basse et de l'oud. Je pense que le son du bois rend cette alliance très intéressante.
L'implication de Dave et de John dans la réalisation de cet album m'a vraiment impressionné. Les collaborations de ce genre peuvent être très... dangereuses. Quelquefois, la rencontre de musiciens d'origines différentes est superficielle, alors qu'eux, ils voulaient vraiment arriver à l'essence de la musique."
Réactions de la presse
La musique d'Anouar Brahem a atteint aujourd'hui un degré de maturité stupéfiant... D'un calme souverain, d'une puissance subtile, les mélodies d'Anouar Brahem ont déjà, par six fois, croisé le chemin d'ECM avec des musiciens aussi divers que Galliano ou Garbarek... Avec Thimar, le magicien du Oud nous propose une nouvelle rencontre stimulante avec John Surman et Dave Holland. Des climats magiques résultent de cet échange... Chacune des onze plages de ce disque s'écoutent comme on regarde une miniature : elles nous racontent autant d'histoires et de secrets, sans jamais lasser... Une merveille. Tout simplement.
Un disque à la beauté aussi terrassante ne se rencontre pas tous les jours. Au-delà de la superbe rencontre conjoncturelle magnifique, Thimar illustre, avec une maîtrise technique et un engagement émotionnel rares, le caractère essentiel de la musique : l'universalité... Ce disque inattendu est un chef-d'oeuvre.
Es gibt Platten, die einen einsaugen, die momentane Stimmungen aushebeln und die Gefühlswelt neu ordnen . Thimar ist so ein Zauberwerk. Der tunesische Meister an der Oud hat mit dem Jazzbassisten Dave Holland und dem Klangpoeten und Saxophonisten John Surman eine Produktion geschaffen, die Körper, Geist und Seele gleichermaßen satt macht. Das ist keine zusammengerührte Soße namens Weltmusik, sondern eine Verbeugung eines zeitgenössischen kammermusikalischen Trios vor der hohen Kunst der klassischen arabischen Musik.
Behutsame Kunst, die das Gegenteil dessen ist. was ais "Weltmusik" sonst in den Regalen steht. Surman, der keltische Melomane, und Holland, der singende Fundamentalist (er sorgt in diesem schlagzeuglosen Trio auch für die rhythmischen Verstrebungen) eignen sich Brahems ziemlich trickreiche arabische Musik so an. dass wir sie ganz einfach hören; nirgends ächzen die metrischen Wegweiser, es herrscht eine große Gelassenheit und Konzentration aufs Wesentliche. Substanz, kein Parfum.
Die hochstehenden Konversationen der drei inspirierten Musiker lassen sich nicht klassifizieren : kein Jazz. keine reine Folklore, keine modische Weltmusik. Sondern eigenständige. stimmungsvolle Klange ohne grossstädtische Aggressionen. Aber in jeder Sekunde spannend und innovativ.
Es braucht nicht viel, um eine Musik zu entwickeln, die voiler Farben schillert . Ein paar Melodielinien vielleicht, einige harmonische Schnittmuster, eine Handvoll Rhythmisierungen . Und natürlich braucht es Musiker, die über das Können und die Ruhe verfügen, die kargen Zutaten so zu verrühren, Baß sie Energien freisetzen . Anouar Brahem, der in der traditionellen arabischen Musik fundierte Oud Spieler aus Tunesien, ist so ein Musiker. Dave Holland, der Heilige vom Kontrabaß, sowie der ewig unterbewertete britische Saxophonist und Baß klarinettist John Surman sind es auch . Kategorien wie Jazz haben sie langst hinter sich gelassen und spielen nun eine universale mprovisationsmusik. Eine Musik, die in ihrer Ruhe ausdrucksstark ist. in ihrer opulenten Sch6nheit reif und in ihrer Gelassenheit neugierig.
Thimar shows that ECM is still at the front of contemporary music-making. lt's a perfect example, too, of how different musical traditions - jazz and Arabic - can be combined to create something unprecedented, unique ... Lack of percussion could have resulted in music ethereal to the point of vapidity, but the depth of interplay between the musicians ensures that even the most exquisite Iyrical touches are firmly earthed. Wonderful.
ln Brahem's hands the oud is a staggeringIy versatile instrument. It can sound like a Spanish guitar or even a sitar as he creates mostly unhurried lines, whether of contemplation or rapture. Surman sounds perfectIy at home, charming snaking lines and bent notes from his horns, while Holland contributes his trademark, marvellously thick sound and outstanding solos.
Jazz album of the month is probably Thimar by Anouar Brahem on the ECM label, whose imprint rivais M & S as a sure sign of quality in the marketplace... The result is contemplative yet intensely rhythmic music in which Holland and Surman contrive to sound surprisingly Arabic while in turn Brahem swings most convincingly, emphasising that jazz's African roots were tllem selves partly derived from Arabic sources.
Eine Combo ist im besten Falle ein Kollektiv von großen Solisten, deren Zusammenspiel etwas ganz Neues ergibt. In dem die Kunst der einzelnen Musiker noch erkennbar, aber im gemeinsamen Produkt aufgegangen ist. Solch eine Combo bildet der OudSpieler Anouar Brahem mit John Surman, Sopransaxophon und Baßklarinette, und Dave Holland, Kontrabaß. Ihre leise Musik ist geladen mit einer geradezu atemberaubenden inneren Spannung . Die relativ kurzen liedhaften Kompositionen Anouar Brahems, die ergänzt wurden durch einen Titel von Holland, werden teils unisono, teils im kontrapunktischen Miteinander, selten unterbrochen von Soli, gespielt. Mit unaufdringlicher Intensitat. Mit Iyrischer Schönheit. Die sich den Rhythmus ebensowenig wie dem Sound ausliefert. Sondern beide der Melodie nutzbar macht. Da gibt es auch keine Spur von Folklorismus. Surman und Holland gastieren nicht in der arabischen Tradition, sondern dürfen sich in ihrer bekannten Eigenart beteiligen.
Ais schiere Sensation begriff das Publikum, wie Hören, Sehen und Agieren zwischen John Surman, Dave Holland und dem tunesischen Oud-Spieler Anouar Brahem, einem ganz unspektakulär grandiosen Virtuosen, musikalische Gestalt gewann. Es war der erste Auftritt der drei nach einer gemeinsamen Studioaufnahme. Die dabei entstandene CD Thimar, dieser Tage veröffentlicht, könnte selbst schon beredte Grundlage werden für eine neue Diskussion über "Weltmusik ", in letzter Zeit allzu oft Hülle ohne Inhalt.
Music of minute colouristic detail, a fusion of contrasting cultures without a sacrificing of musical identity. The album could ID well be the best of 1998. More and more, it seems, jazz is finding ways of renewing itself from world rhythms.
Distinctions
ƒƒƒƒ, "Télérama" (France)
Recommandé, "Classica" (France)
4★, "The Guardian" (Royaume-Uni)
CD de l'année, "Jazz Wise" (Royaume-Uni)
4★, "Down Beat" (États-Unis)
CD du mois, "Stereoplay" (Allemagne)
Preis der "Deutschen Schallplattenkritik" (Allemagne)